Ce que je crois ... à
propos du putsch avorté ! Compte tenu de la conjoncture actuelle
relativement à la question de l'île comorienne de Mayotte, il n'est pas
hasardeux, nous semble t-il, de s'interroger sur la nature du
putsch avorté du 20 avril 2013. Et si c'était un vrai faux putsch
programmé pour échouer ? Et si les commanditaires supposés ne sont que
des apprentis politiciens naïfs, à la culture (géo)politique très
limitée, victimes collatéraux d'un combat qui les dépasse ? Et si ce
putsch, comme l'annonce du retour de Mohamed Bacar, comme le réveil de
l'OPIA réclamant l'indépendance d'Anjouan, et d'autres évènements de la
même veine, déjà connus ou à venir, procédait de la même logique ? Et si
tout cela n'avait, in fine, pour but que de garroter le président
Ikililou ? L'enjeu est de taille et les moyens forcément conséquents.
Après
la collectivité territoriale, la collectivité départementale, le DOM,
le PTOM, Mayotte est programmée pour devenir RUP (Région
ultrapériphérique de l'Europe) en janvier 2014 (voir document ci-après),
c'est-à-dire quelques mois après l'Assemblée Générale de l'ONU en
septembre 2013. D'ici là il faut le silence radio sur ce sujet, car
l'arme principale de la France est l'inaction des autorités comoriennes. En invoquant chaque fois sa constitution dans cette affaire, la France n'ignore
pas que la charte de l'ONU, qui est un des textes fondant le droit
international, a valeur de Traité une fois signée et ratifiée par un
pays. À ce titre elle a une force supérieure à la constitution
nationale. Elle sait surtout que tant que la partie comorienne ne se
plaindra pas, aucun pays, européen ou non, ne prendra le risque d'entrer
en conflit avec elle pour une cause qui n'est pas la sienne.
Il
n'est pas impossible donc, que soit appliquée au président IKI, la
version politico-diplomatique du pompier pyromane : on inspire un
putsch, quitte à sacrifier quelques individus ; les Renseignements
Généraux communiquent l'information aux services du président comorien,
à temps, pour faire échouer ledit putsch. Le message subliminal envoyé étant celui-ci : votre vie et votre pouvoir ne sont rien sans nous, soyez donc notre obligé !
L'histoire nous apprend que chez les nations pompeusement qualifiées de
policées, on hésite pas, parfois, à sacrifier des citoyens, les leurs
ou d'ailleurs, au nom de la " raison d'Etat " ou de l'intérêt supérieur de la nation" ; des termes emballages qui, très souvent, cachent une
réalité inavouable.
Rappelons-nous !
Chaque fois qu'une décision importante sur l'évolution du statut de
Mayotte devait être prise, il se trouvait, comme par hasard, un os à
croquer jeté dans la cour de la partie indépendante du pays, pour
occuper ou préoccuper la population pendant que l'essentiel se
produisait ailleurs. Un de ces os, le plus coriace, probablement, étant
le séparatisme anjouanais qui, comme par hasard, a connu son dénouement
fin décembre 2001, cependant qu'une loi française (n° 2000-391)
« organisant une consultation de la population de Mayotte » a été votée
en mai 2000 et une autre loi, érigeant Mayotte en "collectivité
départementale", en juillet 2001.
Rappelons-nous !
Jusqu'en 1994, une Résolution était votée chaque année par l'AG de
l'ONU, condamnant l'occupation de l'île comorienne de Mayotte par la France. Quoique n'ayant pas force exécutoire (contrairement aux Résolutions du
Conseil de Sécurité), ces Résolutions entachaient l'image de la France,
qui a tout fait pour les empêcher. Elle y a réussi, depuis 1995, de la
façon la plus intelligente possible : aux yeux de tous, c'est la partie
comorienne qui renonce à les solliciter. Mais puisqu'il faut continuer à
amuser la galerie, on fournit aux différents présidents comoriens des
balles à blanc, à faire exploser à la tribune de l'ONU. Une balle à blanc
est en tout point semblable à une balle réelle. Elle fait du bruit
comme la balle réelle, mais ... elle ne blesse pas. Le jeu consiste à
clamer haut et fort à la tribune de l'ONU, la volonté des Comores à ne
pas abandonner Mayotte, mais en ayant préalablement pris la précaution
de demander à l'AG de ne pas en débattre, esquivant ainsi le vote d'une
résolution : pas de débat, pas de résolution ! Tout le monde est content,
la France en
premier. Mais le Raïs comorien aussi car, au pays, ses thuriféraires
reprennent en chœur son discours, en louant son courage et son
patriotisme. Il est même arrivé que certains patriotes s'en soient
laissés conter.
Pour
la puissance occupante, l'évolution actuelle du statut de Mayotte (à
l'échéance de la mise en application de la Décision N° 2012/419/UE,
érigeant Mayotte en Région Ultra Périphérique de l'Europe, à compter du
1er janvier 2014), ne tolèrerait même pas que la balle à blanc soit
tirée. Surtout à une date proche de la « rupéisation » effective. Car le
risque existe, même minime, de donner des idées contrariantes à
certains pays. En effet l'inaction et le silence mortifère de la partie
comorienne est le meilleur allié de l'occupant. D'où la nécessité de
s'assurer que Ikililou ne risque pas d'avoir un sursaut de patriotisme,
en tout cas avant janvier 2014. Pour cela tout un mécanisme multifacette
pourrait avoir été mis en branle. Le putsch pourrait être une de ces
facettes. Mais le président pourrait également avoir bénéficié de
beaucoup de conseils de proches, visibles ou occultes, "qui lui veulent
du bien", bien sûr. Par exemple, lui faire comprendre qu'il ne sera pas
un président "réellement accompli" tant qu'il n'aura pas eu la
distinction et le privilège d'être reçu à l'Elysée ; que quelqu'un
pourrait lui ouvrir les portes de cette forteresse ; qu'il doit, donc,
faire attention pour ne pas risquer de subir le sort de certains de ses
prédécesseurs ...
Que
faire alors, Monsieur le président ? D'abord, être bien convaincu
vous-même que vous devez votre légitimité non pas à un quelconque
parrain étranger, mais au peuple comorien qui vous a élu. Cette posture
peut vous mettre à l'abri du chantage. Ensuite, prendre conscience que,
devant Dieu et
les humains, vous êtes coresponsables des milliers de morts de vos
concitoyens, consécutives au fameux "visa Balladur", tant que vous
n'aurez pas fait ce qui est en votre pouvoir pour y remédier. Enfin,
avoir la certitude que si vous faillissiez (comme certains de vos
prédécesseurs) à votre mission constitutionnelle, historique, de garant
de l'unité nationale et de l'intégrité territoriale, et que le jugement
pour haute trahison ne vous est pas appliqué par vos contemporains,
l'Histoire, grand juge devant l'Eternel, ne vous ratera pas. Et c'est
toute votre lignée qui en pâtira. De tout cela, nous semble t-il, doit
émaner votre ligne de conduite relative à votre action future sur la
Question de l'île comorienne de Mayotte.
Quelques
axes : il y a deux actions incontournables sur cette affaire, pour un
président comorien qui se respecte. Le reste n'est que subsidiaire,
après 38 ans de conflit larvé.
1)- Saisir le Conseil de sécurité
(CS) dont les résolutions sont contraignantes et exécutoires. Je
précise, pour nos "experts" en diplomatie, que le droit de véto français
ne peut, en aucun cas, constituer une excuse ou un argument pour ne pas
le faire. Il est vrai que la France a
opposé son veto en février 1976, suite à la saisine du CS par le
président Ali Swalihi (la seule et unique action diplomatique
d'envergure depuis 38 ans), et ce malgré l'excellent argumentaire du Dr
Mwinyi Baraka, alors ambassadeur. C'était tout de même un succès
diplomatique. Mais depuis, l'interprétation de ce droit a évolué : «dans
les décisions prises [...], une partie à un différend s'abstient de
voter » (art. 27.3 de la Charte). Donc veto français exclu.Et puis,
avons-nous le choix ? Nous n'avons que la force du droit pour nous et
pas le rapport de force.
2)- Que le procureur de la République saisisse,
au nom de l'Etat comorien, le procureur de la Cour Pénale
Internationale (CPI), pour crime contre l'humanité, en application de
l'art. 7.d (transfert forcé de population) et 7.h (Persécution de groupe
ou de collectivité identifiable pour des motifs d'ordre politique,
racial, national, ethnique, ...). C'est l'une des 3 seules voies de
saisine, les 2 autres étant par le CS de l'ONU ou par le Procureur de la
CPI lui-même,proprio motu (auto-saisine). Quelle que soit la volonté et
l'abnégation des partis et des associations, leur action ne peut être
qu'informative auprès du Procureur de la CPI, en espérant qu'il voudra
bien enquêter, en vue éventuellement de s'autosaisir (très aléatoire).
Le
président de notre Assemblée de l'Union pourrait continuer le travail
initié par son prédécesseur, Said Dhoiffir Bounou (en collaboration avec
les associations), en écrivant au président du Parlement européen pour
attirer son attention sur le fait que la décision du Conseil Européen de
"RUPéiser" Mayotte est inacceptable, et qu'en tout état de cause, elle
est illégale au regard du droit international. Elle contrevient aux
engagements internationaux de chacun des pays de l'Union européenne, qui
ont tous voté le 12 novembre 1975, et sans équivoque aucune,
l'appartenance de Mayotte à l'État comorien.
Abdou Ahmed
Paris
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