mardi 7 mai 2013

Un putsch pour mieux bâillonner le président Ikililou ? par ABDOU AHMED


Ce que je crois ... à propos du putsch avorté ! Compte tenu de la conjoncture actuelle relativement à la question de l'île comorienne de Mayotte, il n'est pas hasardeux, nous semble t-il, de s'interroger sur la nature du putsch avorté du 20 avril 2013. Et si c'était un vrai faux putsch programmé pour échouer ? Et si les commanditaires supposés ne sont que des apprentis politiciens naïfs, à la culture (géo)politique très limitée, victimes collatéraux d'un combat qui les dépasse ? Et si ce putsch, comme l'annonce du retour de Mohamed Bacar, comme le réveil de l'OPIA réclamant l'indépendance d'Anjouan, et d'autres évènements de la même veine, déjà connus ou à venir, procédait de la même logique ? Et si tout cela n'avait, in fine, pour but que de garroter le président Ikililou ? L'enjeu est de taille et les moyens forcément conséquents.
Après la collectivité territoriale, la collectivité départementale, le DOM, le PTOM, Mayotte est programmée pour devenir RUP (Région ultrapériphérique de l'Europe) en janvier 2014 (voir document ci-après), c'est-à-dire quelques mois après l'Assemblée Générale de l'ONU en septembre 2013. D'ici là il faut le silence radio sur ce sujet, car l'arme principale de la France est l'inaction des autorités comoriennes. En invoquant chaque fois sa constitution dans cette affaire, la France n'ignore pas que la charte de l'ONU, qui est un des textes fondant le droit international, a valeur de Traité une fois signée et ratifiée par un pays. À ce titre elle a une force supérieure à la constitution nationale. Elle sait surtout que tant que la partie comorienne ne se plaindra pas, aucun pays, européen ou non, ne prendra le risque d'entrer en conflit avec elle pour une cause qui n'est pas la sienne.
Il n'est pas impossible donc, que soit appliquée au président IKI, la version politico-diplomatique du pompier pyromane : on inspire un putsch, quitte à sacrifier quelques individus ; les Renseignements Généraux communiquent l'information aux services du président comorien, à temps, pour faire échouer ledit putsch. Le message subliminal envoyé étant celui-ci : votre vie et votre pouvoir ne sont rien sans nous, soyez donc notre obligé ! L'histoire nous apprend que chez les nations pompeusement qualifiées de policées, on hésite pas, parfois, à sacrifier des citoyens, les leurs ou d'ailleurs, au nom de la " raison d'Etat " ou de l'intérêt supérieur de la nation" ; des termes emballages qui, très souvent, cachent une réalité inavouable.
Rappelons-nous ! Chaque fois qu'une décision importante sur l'évolution du statut de Mayotte devait être prise, il se trouvait, comme par hasard, un os à croquer jeté dans la cour de la partie indépendante du pays, pour occuper ou préoccuper la population pendant que l'essentiel se produisait ailleurs. Un de ces os, le plus coriace, probablement, étant le séparatisme anjouanais qui, comme par hasard, a connu son dénouement fin décembre 2001, cependant qu'une loi française (n° 2000-391) « organisant une consultation de la population de Mayotte » a été votée en mai 2000 et une autre loi, érigeant Mayotte en "collectivité départementale", en juillet 2001.
Rappelons-nous ! Jusqu'en 1994, une Résolution était votée chaque année par l'AG de l'ONU, condamnant l'occupation de l'île comorienne de Mayotte par la France. Quoique n'ayant pas force exécutoire (contrairement aux Résolutions du Conseil de Sécurité), ces Résolutions entachaient l'image de la France, qui a tout fait pour les empêcher. Elle y a réussi, depuis 1995, de la façon la plus intelligente possible : aux yeux de tous, c'est la partie comorienne qui renonce à les solliciter. Mais puisqu'il faut continuer à amuser la galerie, on fournit aux différents présidents comoriens des balles à blanc, à faire exploser à la tribune de l'ONU. Une balle à blanc est en tout point semblable à une balle réelle. Elle fait du bruit comme la balle réelle, mais ... elle ne blesse pas. Le jeu consiste à clamer haut et fort à la tribune de l'ONU, la volonté des Comores à ne pas abandonner Mayotte, mais en ayant préalablement pris la précaution de demander à l'AG de ne pas en débattre, esquivant ainsi le vote d'une résolution : pas de débat, pas de résolution ! Tout le monde est content, la France en premier. Mais le Raïs comorien aussi car, au pays, ses thuriféraires reprennent en chœur son discours, en louant son courage et son patriotisme. Il est même arrivé que certains patriotes s'en soient laissés conter.
Pour la puissance occupante, l'évolution actuelle du statut de Mayotte (à l'échéance de la mise en application de la Décision N° 2012/419/UE, érigeant Mayotte en Région Ultra Périphérique de l'Europe, à compter du 1er janvier 2014), ne tolèrerait même pas que la balle à blanc soit tirée. Surtout à une date proche de la « rupéisation » effective. Car le risque existe, même minime, de donner des idées contrariantes à certains pays. En effet l'inaction et le silence mortifère de la partie comorienne est le meilleur allié de l'occupant. D'où la nécessité de s'assurer que Ikililou ne risque pas d'avoir un sursaut de patriotisme, en tout cas avant janvier 2014. Pour cela tout un mécanisme multifacette pourrait avoir été mis en branle. Le putsch pourrait être une de ces facettes. Mais le président pourrait également avoir bénéficié de beaucoup de conseils de proches, visibles ou occultes, "qui lui veulent du bien", bien sûr. Par exemple, lui faire comprendre qu'il ne sera pas un président "réellement accompli" tant qu'il n'aura pas eu la distinction et le privilège d'être reçu à l'Elysée ; que quelqu'un pourrait lui ouvrir les portes de cette forteresse ; qu'il doit, donc, faire attention pour ne pas risquer de subir le sort de certains de ses prédécesseurs ...
Que faire alors, Monsieur le président ? D'abord, être bien convaincu vous-même que vous devez votre légitimité non pas à un quelconque parrain étranger, mais au peuple comorien qui vous a élu. Cette posture peut vous mettre à l'abri du chantage. Ensuite, prendre conscience que, devant Dieu et les humains, vous êtes coresponsables des milliers de morts de vos concitoyens, consécutives au fameux "visa Balladur", tant que vous n'aurez pas fait ce qui est en votre pouvoir pour y remédier. Enfin, avoir la certitude que si vous faillissiez (comme certains de vos prédécesseurs) à votre mission constitutionnelle, historique, de garant de l'unité nationale et de l'intégrité territoriale, et que le jugement pour haute trahison ne vous est pas appliqué par vos contemporains, l'Histoire, grand juge devant l'Eternel, ne vous ratera pas. Et c'est toute votre lignée qui en pâtira. De tout cela, nous semble t-il, doit émaner votre ligne de conduite relative à votre action future sur la Question de l'île comorienne de Mayotte.
Quelques axes : il y a deux actions incontournables sur cette affaire, pour un président comorien qui se respecte. Le reste n'est que subsidiaire, après 38 ans de conflit larvé.
1)- Saisir le Conseil de sécurité (CS) dont les résolutions sont contraignantes et exécutoires. Je précise, pour nos "experts" en diplomatie, que le droit de véto français ne peut, en aucun cas, constituer une excuse ou un argument pour ne pas le faire. Il est vrai que la France a opposé son veto en février 1976, suite à la saisine du CS par le président Ali Swalihi (la seule et unique action diplomatique d'envergure depuis 38 ans), et ce malgré l'excellent argumentaire du Dr Mwinyi Baraka, alors ambassadeur. C'était tout de même un succès diplomatique. Mais depuis, l'interprétation de ce droit a évolué : «dans les décisions prises [...], une partie à un différend s'abstient de voter » (art. 27.3 de la Charte). Donc veto français exclu.Et puis, avons-nous le choix ? Nous n'avons que la force du droit pour nous et pas le rapport de force.
2)- Que le procureur de la République saisisse, au nom de l'Etat comorien, le procureur de la Cour Pénale Internationale (CPI), pour crime contre l'humanité, en application de l'art. 7.d (transfert forcé de population) et 7.h (Persécution de groupe ou de collectivité identifiable pour des motifs d'ordre politique, racial, national, ethnique, ...). C'est l'une des 3 seules voies de saisine, les 2 autres étant par le CS de l'ONU ou par le Procureur de la CPI lui-même,proprio motu (auto-saisine). Quelle que soit la volonté et l'abnégation des partis et des associations, leur action ne peut être qu'informative auprès du Procureur de la CPI, en espérant qu'il voudra bien enquêter, en vue éventuellement de s'autosaisir (très aléatoire).
Le président de notre Assemblée de l'Union pourrait continuer le travail initié par son prédécesseur, Said Dhoiffir Bounou (en collaboration avec les associations), en écrivant au président du Parlement européen pour attirer son attention sur le fait que la décision du Conseil Européen de "RUPéiser" Mayotte est inacceptable, et qu'en tout état de cause, elle est illégale au regard du droit international. Elle contrevient aux engagements internationaux de chacun des pays de l'Union européenne, qui ont tous voté le 12 novembre 1975, et sans équivoque aucune, l'appartenance de Mayotte à l'État comorien.

Abdou Ahmed
Paris

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