mardi 28 mai 2013

Scandale sur le tarmac de Moroni, Mur Balladur



Scandale sur le tarmac de Moroni


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Nous nous inquiétions des effets de ce Mur Balladur, sciemment construit entre une rive et une autre d’un même archipel, afin de sécuriser l’occupation française à Mayotte. A présent, nous nous interrogeons sur le sens du dispositif de fouille initié à même le tarmac de Moroni Hahaya par les autorités françaises. Où il est question d’humiliation et de souveraineté…
A l’aéroport du Prince Said Ibrahim, les passagers du vol Air Austral, vers Mayotte, la Réunion et la France, ont droit à un régime spécial de contrôle des passagers, désormais. Ils subissent d’abord une fouille selon des règles émises par la direction de l’aéroport elle-même, afin (peut-être) de satisfaire aux normes du 11 septembre. Scan de bagages à main et passage de portique sécurisé, en étant souvent pieds nus et sans ceinture, le tout suivi d’une petite fouille au corps par machine interposée, avec bras levés en hauteur comme dans les bons films des singes d’Hollywood. Auparavant, bien sûr, les bagages, partant en soute, auront été passés sous un autre scan, à l’enregistrement, comme dans nombre d’aéroports, ailleurs. Pour éviter le pire d’une situation que personne n’imagine encore possible en cet archipel, malgré le spectre re-brandi de Fadhul. Une fois ce contrôle effectué, les passagers entrent ensuite en salle d’embarquement, où ils comptabilisent gentiment leurs minutes d’attente, avant d’embarquer.
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Lorsqu’on les appelle pour monter dans l’avion, les passagers se retrouvent à nouveau pris dans un dispositif de sécurité, imposé pour les seuls vols en direction des territoires français, avec une équipe spécialement envoyée de Paris ou de la Réunion ( ?), qui reprend la fouille par le début, annulant de cette sorte les efforts consentis par les autorités comoriennes elles-mêmes. Les passagers ont à reconnaître leurs bagages partant en soute à nouveau, à ouvrir leurs bagages en main pour que l’on en vérifie le contenu, à repasser à la fouille au corps bras levés. Avec une petite note de romanesque inespéré pour ceux qui sauront apprécier cette geste, c’est que tout se passe sur le tarmac même, en plein cagnard. Comme si l’on voulait signifier aux équipes de l’aéroport du Prince Said Ibrahim qu’elles ne sont pas fiables, en matière de sécurité. Une triple humiliation, de fait. Et pour l’autorité de l’aéroport, dont les efforts en la matière sont mis en doute ; et pour le passager estomaqué, que l’effet de surprise empêche de réagir, sur le moment ; et pour l’Union des Comores, dans la mesure où un état étranger, la France, s’autorise ainsi à débuter les limites de l’Europe depuis le sol comorien.
Peut-on encore parler de souveraineté nationale ? Hahaya étant à Moroni, la question mérite d’être discutée. Cette action menée par une police (?) étrangère sur le tarmac du Prince Said Ibrahim, inspirée par des lois françaises, a-t-elle vraiment été discutée en haut-lieu par nos dirigeants ? Un agent comorien de l’aéroport, assurant la sécurité de ceux qui sont venus mettre en doute le travail de ses propres collègues, a expliqué à un journaliste de la place qu’il ne devait pas filmer la situation dans l’idée d’informer l’opinion, parce qu’il risquait, du coup, de le faire congédier de son poste.
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Cinq minutes plus tard, le même agent regardait tranquillement un officiel du département français de la Seine Saint-Denis, venu, semble-t-il, aider les Comores sur des projets  communautaires (?), filmer la scène, librement. Lui aurait-on demandé, à cet agent, d’empêcher le travail d’information de ses concitoyens, journalistes soient-ils, et de laisser les hôtes étrangers se repaître de nos humiliations, qu’il ne s’y serait pas pris autrement ! Précisons que ces contrôles ont lieu ici sous le regard  zélé d’un « commandant » (les agents de l’aéroport l’appellent tous ainsi) français et agent du STIPS (police européenne), coordonnant ces opérations à l’aéroport de Moroni Hahaya, un peu comme s’il était en territoire conquis, puisqu’aucun officier comorien de la PAF comorienne ne l’encadre dans ses faits et gestes. A se demander si nous disposons encore d’une autorité compétente sur ce plan ?
D’ailleurs, il est une énigme dans cette affaire. S’il s’agit du même « commandant », d’un dispositif à l’autre de ce « process » de sécurisation inhabituel, pourquoi faut-il deux opérations de fouille pour s’apercevoir que les Comoriens ne promettent aucune catastrophe au monde ? Ce « Monsieur » serait français (ils insistent sur la nationalité) selon les agents de l’aéroport, qui le craindraient pour cette même raison ! La France étant cette « terre-amie », nous empêchant de circuler dans notre propre pays et, au passage, vers l’Europe, il serait intéressant de saisir le message contenu dans cette opération de fouille particulièrement humiliante ? A Air Austral, les agents, eux, sont formels. Si les passagers subissent ce désagrément (être traités comme de vulgaires terroristes en leur pays pour beaucoup), dans des « conditions atroces » ajoutent-ils (sur le tarmac en plein soleil), c’est bien parce que l’Etat comorien le veut bien.
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A même ce tarmac, la semaine passée, un agent d’aéroport a voulu se risquer au jeu du commentaire désobligeant : « Ça se pourrait bien que ce soit la faute au directeur de l’aéroport, qui ne sait plus pour qui il travaille, mais en vérité c’est la faute à l’homme qui préside ce pays, qui ne sait plus pour quel peuple il bosse ». Son excellence le président Ikililou Dhoinine aurait-il signé de nouveaux accords en ce sens ? Du visa Balladur à la fouille de trop, le renoncement à l’intégrité de pans entiers du territoire national interroge le petit citoyen sans défense. D’un mur à l’autre, le désarroi ! En plus de cette autre question, qui survient. Comment les Comoriens de France, durant leurs prochaines vacances dans l’archipel, vont-ils la vivre, cette affaire de fouille qui bafouille ? Se résigneront-ils à passer le portique virtuel du tarmac de Moroni comme de vulgaires passants dépités ou s’en prendront-ils injustement aux équipages aux sols avec mépris, à défaut de pouvoir interroger leur écartèlement entre deux nations soudées par le même esprit d’humiliation ?
Difficile pour nous de dire de quoi il retourne, exactement. Mais nous restons persuadés que quelque chose se passe en cet archipel que nous ne nommons pas encore. Il y sera question de souveraineté perdue pour un état défroqué, mais pas seulement. Il appartiendra surtout aux Comoriens, dans leur ensemble, de nous dire ce qu’il faut penser de cet état d’humiliation permanente vécu par un pays indépendant toujours sous tutelle ? Y a-t-il encore un « chez nous » qui vaille la peine d’être questionné sur le tarmac de Moroni ?
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Frontière semi-virtuelle, le Mur Balladur divise l’archipel depuis 1995 en une équation à 3+1, autorisant à penser que les limites de l’Europe commençaient à Mayotte, malgré les résolutions et les condamnations internationales. Avec ce dispositif sécuritaire d’un type nouveau, prenant appui sur le plan Vigipirate crée en 1978 sous Giscard d’Estaing, réactualisé depuis, les limites territoriales françaises commencent à Hahaya.


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