Depuis
l’indépendance des Comores, le pays a connu au moins cinq
Constitutions. Aucune n’a aidé au développement et à la stabilisation de
notre jeune État. Aucun pays au monde
ne possède une Constitution parfaite. Mais, la plupart des pays ont su
améliorer les leurs, en procédant à des retouches, mais tout en gardant
l’essentiel, évitant ainsi la fossilisation et la momification de la Loi
fondamentale. En France,
Charles de Gaulle a fait adopter la Constitution de la Cinquième
République le 4 octobre 1958. Elle ne fut pas la plus parfaite mais a su
mener la France à la stabilité, et a mis fin à la partitocratie et à son corollaire, l’instabilité.
Aux
Comores, l’instauration de la présidence tournante entre les îles par
la Constitution du 23 décembre 2001, sous la pression des séparatistes, a
au moins permis à notre pays de connaître une stabilité
institutionnelle et politique, même de manière relative. Ce n’est ni la
meilleure des Constitutions, ni la plus démocratique, mais elle est
arrivée à stabiliser notre pays. Or, tous les développementalistes le
disent: la base de tout développement économique et social est la
stabilité. La présidence tournante fut imposée par les séparatistes et
soutenue par ceux qui luttent pour le démantèlement des Comores en tant
qu’État uni. Certains l’ont acceptée, en espérant pouvoir la contourner,
et d’autres pour mieux l’exploiter. Pourtant, le constat est visible:
elle a permis la stabilité et l’alternance démocratique dans notre pays.
Mais, comme tout remède, elle a des effets indésirables. Il nous
appartient d’en diminuer les inconvénients, tout en gardant l’essentiel.
On ne peut pas revenir en arrière car cela aurait marqué un manque de
maturité de notre part.
La présidence tournante favorise-t-elle le séparatisme insulaire?
Les
détracteurs du système de la présidence tournante – et, ils sont
nombreux – l’accusent de favoriser le séparatisme insulaire. L’Histoire
de l’État comorien est relativement courte, et bien connue de tous. On
n’a pas besoin d’être spécialiste de l’Histoire des Comores pour savoir
que le séparatisme insulaire est né avant l’instauration de la
présidence tournante par la Constitution du 23 décembre 2001. Cette
dernière est adoptée pour mettre fin au séparatisme. Les problèmes du
séparatisme, pour ne pas dire les causes, ne sont pas uniquement dans le
partage du pouvoir entre les îles, mais aussi et surtout dans la
répartition des ressources ou avantages de l’État. La présidence
tournante ne pourra pas résoudre tous les problèmes et calmer tous les
ressentiments des uns et des autres. En même temps, grâce à elle, tout
Comorien, quelle que soit son île d’origine, peut espérer un jour
diriger son pays. Au fond, les méthodes de gestion de pouvoir n’ont pas
changé. Sans qualification, ni expérience, les membres de la famille du
chef de l’État et les natifs de son village ou de son île d’origine sont
au premier cercle du pouvoir, et cela soulève la réprobation de
population. On en prend prétexte pour accuser la présidence tournante de
népotisme et d’insularisme, alors que ces pratiques ont toujours existé
aux Comores, et n’ont pas besoin de la présidence tournante pour leur
consolidation et leur pérennisation.
La présidence tournante et l’avènement d’un chef d’État originaire de Mohéli
On daube partout, aux Comores comme à l’étranger, sur le danger de la présidence tournante, en mettant en exergue la «mohélisation» du pouvoir par Ikililou Dhoinine. Cette «mohélisation»
est sujette à caution et la question est très simple: pour la première
fois de l’Histoire, les Comores ont un Président originaire de Mohéli,
et celui-ci a parmi ses collaborateurs des Comoriens de toutes les îles,
y compris de Mohéli. On voit des Mohéliens là où on n’a pas l’habitude
de les voir. Or, la présidence tournante est présentée, pour le moment,
par certains Comoriens, comme l’occasion offerte à leur île de naissance
de diriger le pays. C’est une étape de notre démocratisation en
devenir, et elle doit évoluer. La gestion de notre pays incombe à chaque
enfant comorien, quelle que soit son île de naissance. La présence
visible des certains responsables originaires de Mohéli ne doit ni nous
effrayer, ni nous inquiéter, tant que ceux-ci ont les compétences
requises. Il est parfois étonnant d’entendre ceux qui ont dirigé le pays
hier avec leurs familles et amis crier au népotisme mohélien. Il y a
même ceux qui ressuscitent la pratique du coup d’État, juste pour
revenir au pouvoir. Il est, certes, difficile d’oublier les avantages et
prestiges inhérents aux postes politiques, et l’impunité qui en
découle. Mais, l’appétit de pouvoir des uns et des autres, ne doit pas
remettre en cause un système qui a pu nous stabiliser.
Et cette présidence tournante revendiquée par certains à Mayotte?
Depuis
le mois de janvier 2013, on nous parle de l’éventuelle échéance
mahoraise de la présidence tournante. Ici, il n’est pas question de
demander si l’île comorienne de Mayotte est libérée ou non. Chaque
Comorien connaît la politique suicidaire des dirigeants comoriens d’hier
et d’aujourd’hui sur la question de Mayotte. À défaut de mener un
combat républicain au niveau national et international, on nous appelle,
on nous harcèle, on nous étouffe par un «patriotisme»
qui ne saurait être incarné que par certains, même par ceux qui ont
déjà trahi leur pays. Chaque Comorien souhaite le retour de Mayotte dans
son giron national et naturel. Mais, est-il prêt à accepter l’impunité
partout, jusqu’au somment de l’État? On ne peut pas jouer ou prendre à
la légère les questions liées à l’intégrité territoriale et à l’unité de
notre pays. Si les séparatistes anjouanais n’ont pas été jugés, après
avoir pris en otage une partie de notre territoire national, comment
pouvons-nous vivre ensemble et évoluer dans la bonne direction? Ce sont
des manquements très graves, que nos dirigeants doivent reconnaître. On
ne peut pas laisser croire qu’on va appeler l’Union Africaine et
d’autres entités étrangères chaque fois qu’il s’agira de libérer une île
prise en otage par des séparatistes, et après, ne pas juger les
preneurs d’otages. Si le séparatisme anjouanais a été très déstabilisant
pour notre pays et a fait des victimes humaines, celui de Mayotte est
pire. Le séparatisme mahorais est la source des déstabilisations
permanentes des Comores. La tentative de coup d’État du 19 au 20 avril
2013 en est le dernier exemple. Les Comores ne connaîtront jamais la
stabilité tant que Mayotte est sous occupation française. On ne veut pas
citer les 16.000 morts de l’océan Indien, entre Anjouan et Mayotte, les
milliers de portés disparus, que nos dirigeants d’hier et d’aujourd’hui
ignorent et méprisent, dans une indifférence totale. Ils font semblant
de crier à l’occupation française quand ils sont dans des endroits
inaudibles. Mais, dès qu’ils rencontrent l’occupant, ils le cajolent par
de belles paroles rassurantes. Ils se disent qu’ils trompent le peuple
comorien, mais au fond, ils se trompent eux-mêmes. Ils ne sont pas
crédibles au niveau national et sont ridicules au niveau international.
Comment un Algérien peut-il faire une campagne électorale, en Algérie,
pour qu’un Harki devienne Président de la République? En France,
après la Libération, en 1945, la plupart des collabos ont été fusillés,
souvent sans jugement. Il ne faut pas qu’on fasse oublier, surtout à
nos enfants, les trahisons de ceux qui ont favorisé et soutenu l’occupation de notre île par la France.
Crier et nous dire qu’en guise de remerciement et de reconnaissance de
leur trahison et de leur collaboration avec la puissance qu’ils sont
censés combattre du fait de l’occupation de Mayotte, cela relève de
l’irresponsabilité, surtout s’ils revendiquent la direction du pays.
La présidence tournante de 2016: enjeux et interrogations
Je
ne le dirais jamais assez: l’un des avantages de la présidence
tournante réside dans la stabilité. Pour la première fois de notre Histoire,
des hommes et des femmes se préparent pour participer aux élections
présidentielles de 2016. Ce sont des ambitions qui doivent donner plus
d’espoir aux Comoriens qu’au moins cette fois, on assiste à la
préparation d’une équipe, d’un projet de société
pour le développement de notre pays. Cela fait, même de jaloux, et
attire certains hommes et femmes politiques originaires de l’île
comorienne occupée par la France.
Comme ils savent qu’ils ne peuvent même pas prétendre, hier à un poste
de Député, et aujourd’hui à la fonction de Président de la République
française, la présidence tournante des Comores leur offre des espoirs
impossibles ailleurs. Mais avant de vouloir diriger les îles
indépendantes, il faudra que ceux qui vivent sous l’occupation dénoncent
celle-ci et s’engagent à la combattre. C’est pourquoi, nous soutenons
que:
-
La présidence tournante est une justice pour les îles et non pour une
catégorie particulière de personnes. Il faudra donc reconnaître à chaque
enfant Comorien le droit de se porter candidat dans l’île où aura lieu
la présidence tournante, quelle que soit son île de naissance, comme le
permet la Constitution du 23 décembre 2001.
-
Les postes de vice-présidents doivent être supprimés, afin d’alléger
les charges de l’État et éviter les conflits de personnes au sommet de
l’État.
- La politique gouvernementale doit être dirigée par un Premier ministre issue de la majorité parlementaire.
Ce
sont là certaines des conditions de stabilité de notre pays et
d’équilibre du pouvoir. Le régime politique semi-présidentiel est le
mieux indiqué par sauver notre pays du népotisme ou des pratiques
irresponsables des dirigeants comoriens.
©www.lemohelien.com– Le 15 mai 2013.
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