L’infection nosocomiale est par définition, l’infection contractée par un patient à l’hôpital si le malade ne l’avait pas lors de son hospitalisation ou si elle se développe 48 heures au moins après la sortie à l’hôpital.
En France, l’Institut National de Veille Sanitaire a publié le rapport de prévalence des infections nosocomiales réalisé en 2012. Ce rapport démontre qu’un patient sur vingt (5%), hospitalisé dans 1938 établissements français, contracte une infection nosocomiale, soit lors de son hospitalisation, soit après l’hospitalisation. Il s’agit de plus de 15 000 personnes infectées sur les 300 000 patients concernés par l’enquête.
Selon l’OMS, plus de 1,4 million de personnes dans le monde souffrent d’infections nosocomiales. En Afrique notamment au Sénégal et au Mali, le taux varie de 10 à 25 % des patients hospitalisés et ce en dépit du programme de lutte contre ces infections initié par l’OMS.
Ainsi, le risque de contracter une infection au cours de soins de santé est 2 à 20 fois plus élevé dans les pays en développement que dans les pays développés.
Les causes de ces infections sont multiples et sont essentiellement liées à l’hygiène hospitalière dont les sources sont de différentes origines: propreté des locaux, propreté des professionnels ou des patients/visiteurs, conception des bâtiments, système d’aération inadapté, matériaux inappropriés, gestion des déchets et des évacuations, des croisements des circuits sale/propre ...
Et ici, dans notre pays, où en sommes-nous?
L’accent des pouvoirs publics était essentiellement mis, ces dernières années, sur la lutte contre le paludisme. Cette mobilisation a permis de maitriser l’épidémie à défaut de l’enrayer définitivement.
Mais combien de personnes sont entrées à l’hôpital pour le paludisme et en sont sorties avec une autre pathologie telle qu’une hépatite ou une autre maladie résistant aux antibiotiques?
Pour répondre à cette question, des enquêtes d’incidence et de prévalence sont à réaliser. L’incidence mesure la vitesse de contamination et la prévalence indique son évolution globale.
Les deux enquêtes sont à réaliser dans les établissements de santé; il s’agit d’une question de santé publique et d’épistémologie et l’expérience de la gestion du paludisme peut réellement contribuer à sa réussite.
Il est à noter que, quelque soit les conclusions d’une enquête de prévalence, la mise en application des recommandations incombe en majorité aux services techniques hospitaliers.
En effet, pour pouvoir guérir, l’hôpital doit être en bonne santé. Il est alors indispensable de prendre soin de l’hôpital pour pouvoir mieux soigner les patients. Ainsi, le service technique doit être le garant de la santé de l’hôpital et pour cela il doit disposer des moyens nécessaires pour maintenir l’exploitation adéquate des équipements et assister l’équipe chargée de l’hygiène hospitalière.
L’état des lieux des hôpitaux comoriens n’est plus à refaire et c’est le seul domaine où on a plus besoin d’expert international, car tout le monde est conscient de l’hygiène déplorable de nos établissements de soins. On se souvient qu’aux années 90, l’hygiène des blocs opératoires d’El Maarouf, de la salle de stérilisation et de la maternité était remarquable. Or, en moins de 20 ans, l’état des ces bâtiments s’est dégradé; alors qu’ailleurs des structures hospitalières comptabilisant 100 ans d’existence sont toujours bien entretenus.
Ce constat accablant résulte d’un manque crucial de maintenance, ou plutôt d’un manque d’organisation de la maintenance hospitalière qui est complètement différente de la maintenance dans les autres domaines. La maintenance hospitalière n’est ni de l’entretien, ni du dépannage mais plutôt le management des travaux, des installations et des équipements. Une maintenance adaptée doit intégrer les pratiques médicales, les pathologies et la sécurité sanitaire, et elle doit être en amont des études techniques, des travaux et des programmes d’achat.
C’est donc par l’intégration de la fonction maintenance systémique dans la gestion hospitalière qu’un établissement de santé commence à lutter efficacement contre ses infections et à mieux structurer la prise en charge globale du patient.
D’une manière générale, le fil conducteur d’une étude technique hospitalière se concentre sur la destination des locaux ainsi que sur la séparation des circuits propre et sale, en tenant compte de l’accessibilité et de la maintenabilité de l’ensemble.
Aussi, pour lutter contre les infections nosocomiales et améliorer la qualité de nos hôpitaux, faudrait-il redéfinir les priorités, en équipements hospitaliers et en exploitation notamment à travers la mise en place de:
une cuisine intérieure capable de nourrir tous les patients et les professionnels de telle sorte que les familles n’aient plus à préparer à manger au sein de l’hôpital. Tout le monde s’y retrouvera, les familles, les patients et les professionnels de santé.
une blanchisserie, interne ou externe pour que tout le linge destiné aux patients et les vêtements du personnel hospitalier soient lavés et repassés aux températures de désinfection.
la séparation des circuits sale et propre, à travers une gestion du linge et des déchets, qui sera pérennisée par la maitrise des sources de production citées précédemment.
la séparation des zones de consultation de celles d’hospitalisation.
la maitrise de la contamination et de l’aérobiocontamination des blocs opératoires.
En effet, un bloc opératoire est normalisé suivant le type d’intervention à pratiquer dans la salle, avec des classifications de propreté bactériologique qui varient d’Iso1 à Iso 9, suivant la qualité de l’air installée, de la pression de la salle, du comptage particulaire et de la cinétique de décontamination.
Ces caractéristiques permettent de maintenir une meilleure hygiène des locaux et de lutter contre les infections nosocomiales et plus particulièrement les infections sur site opératoire.
Par ailleurs, la lutte contre les infections nosocomiales est une branche de l’infectiovigilance dans la liste des vigilances à surveiller au titre des risques sanitaires et des risques iatrogènes. Parmi les vigilances des risques hospitaliers, on retrouve l’hémovigilance (transfusion), la matériovigilance (équipement), la réactovigilance (laboratoire), la biovigilance (bioéthique) et la pharmacovigilance.
La pharmacovigilance est mise en place lors du lancement du CAMUC. C’est une bonne initiative qui montre une prise de conscience qui, j’espère, ouvrira la porte aux autres vigilances et surtout au cadre juridique indispensable à la gestion des risques hospitaliers.
C’est alors en faisant de la gestion des risques hospitaliers une priorité que les autorités nationales et les professionnels de la santé permettront de prévenir les maladies nosocomiales et améliorer ainsi la qualité de la santé aux Comores.
FAHARIDINE Soudjay
Ingénieur Hospitalier
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