«En
droit international, on ne peut pas faire un référendum pour modifier
des frontières», a déclaré le ministre français des Affaires étrangères,
Laurent Fabius (lire Le Monde du 6 mars). On a envie de lui demander
pourquoi, alors, la France a suivi cette voie en mars 2009 à Mayotte.
La
phrase lâchée par le chef de la diplomatie française aux journalistes,
dans l'avion qui le conduisait à Rome (Italie), va-t-elle enfin
permettre à notre pays de reprendre la main sur la question de Mayotte,
l'île comorienne sous domination française depuis déjà trente-neuf ans?
Il faut être naïf pour le croire. Mais, si le rapport de forces ne va
pas, pour autant, changer, au moins la France reconnait-elle
implicitement que le référendum organisé en mars 2009 est, au regard du
droit international, «illégal».
Jamais
une autorité française n'avait jusqu'ici admis l'illégalité du projet
de départementalisation de Mayotte. Il s'agit donc d'une première même
indirecte. Et les Nations unies, qui reconnaissent l'intégrité des
Comores en tant qu'archipel composé de quatre îles, doivent s'engouffrer
dans cette brèche pour pousser Paris dans ses retranchements.
Si
on peut tirer quelque chose de positif dans la situation qui prévaut
aujourd'hui en Crimée (Ukraine), c'est le fait, pour la communauté
internationale, de découvrir, comme le nez au milieu de la figure, le
double langage de la France selon que ses intérêts sont en jeu ou non.
Quelques heures après la phrase de Laurent Fabius, le président François
Hollande a, en effet, déclaré: «il ne peut y avoir de référendum sur
l'avenir de la Crimée sans que l'Ukraine elle-même n'ait décidé de
l'organiser». On est frappé par cet éclair de lucidité qui a subitement
saisi les autorités françaises!
En
2009, cette France-là n'avait pas demandé au gouvernement comorien
d'organiser la consultation sur la départementalisation de Mayotte; elle
a royalement ignoré les récriminations des Comores et de la Communauté
internationale avec la vingtaine de résolutions de l'Onu. Alors que,
logiquement, il n'appartient pas à la puissance colonisatrice (la Russie
aujourd'hui, la France hier) de superviser un tel scrutin.
Sur
le cas des Comores, le référendum n'avait d'autant plus sa raison
d'être que le 22 décembre 1974, les Comoriens s'étaient déjà prononcés
majoritairement en faveur de l'indépendance et l'Onu, à plusieurs
reprises, a fait part de son opposition à «toute forme de référendum ou
consultation qui pourrait être organisée ultérieurement en territoire
comorien de Mayotte par la France».
La
déclaration de Fabius sur la crise en Ukraine est, donc, en
contradiction flagrante avec la diplomatie française de ces quarante
dernières années. Mahmoud Ibrahime, historien et professeur à Paris,
rappelle que la France a, à deux reprises, «tenté de modifier ces
frontières (aux Comores). D'une part, par le référendum du 8 février
1976, et par lequel, après le renvoi des opposants dans les autres îles,
99% des habitants se sont prononcés pour la 'francisation' de l'île.
D'autre part, par le référendum du 11 avril 1976 par lequel les Maorais
ont rejeté massivement le statut de territoire d'outre-mer».
Dans
un texte qu'il a publié dans le blog Mlimengu, il ajoute: «c'est donc
avec un certain amusement que les Comoriens entendent régulièrement le
gouvernement français évoquer le respect d'une résolution de l'Onu pour
intervenir militairement dans certains pays du Tiers-monde. Ils ont été
encore plus amusés et ont réagi nombreux sur les réseaux sociaux par la
diffusion de la phrase du ministre français des Affaires étrangères».
Mohamed Inoussa
Source : alwatwan
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