RAPPELONS-NOUS cet article de KASHKAZI ! Nous sommes en 2005. Alors qu'une Résolution de l'ex OUA interdit depuis 20 ans l'accueil de MAYOTTE en tant qu'entité séparée de l'ensemble de l'Etat comorien, le colonel-putchiste AZALI Assoumani décide de "dépolitiser" le différend politique sur cette île.
Si ce n'est pas de la HAUTE TRAHISON, c'est quoi ?
DÉPOLITISER LE DÉBAT. DANS SON ALLOCUTION TANT DÉCRIÉE ILYA QUINZE JOURS.
A
Beït Salam, le président Azali avait utilisé l'expression. "Nous nous
sommes mis d'accord pour que le débat sur la participation des jeunes
mahorais aux Jeux des Îles soit dépolitisé", avait-il lancé, après avoir
jeté un froid dans l'assistance en annonçant qu'"après de multiples
discussions, nous avons accepté d'examiner favorablement la
participation des jeunes mahorais aux Jeux des Îles de l'océan Indien".
Dépolitiser
le débat, c'est également ce que demande l'ambassadeur de France aux
Comores, Christian Job : "Je salue le réalisme (du président Azali,
ndlr) et la disjonction entre la politique et le sport, qui partout
ailleurs dans le monde permet à l'ensemble des sportifs de se réunir,
notamment à l'occasion des Jeux Olympiques", indiquait-il mardi. "Le
sport ne doit pas être l'otage des opinions politiques". Dépolitiser le
débat, c'est encore ce à quoi se sont attachés les hommes politiques
mahorais en se félicitant de cette mesure. Bacar Ali Boto affirmait la
semaine dernière (lire Kashkazi n°15) : "Nous sommes dans la zone, il
est tout à fait normal que nous puissions y participer, puisqu'il ne
s'agit pas de faire de la politique mais plutôt du sport."
MAIS
DÉPOLITISER LE DÉBAT, C'EST CE À QUOI s'oppose farouchement la grande
majorité des partis politiques comoriens, et avec eux les radios locales
et une grande partie de la population. Car pour ceux-là, le sport est
politique. "Ce n'est pas que du sport cette affaire !" s'indigne
Youssouf Moussa, le leader du Front démocratique (FD). Pour lui, "cette
démarche est avant tout politique.
Mansour Kamardine l'a d'ailleurs
dit". La semaine dernière, le député mahorais avait déclaré qu'il
s'agissait d'"un résultat spectaculaire" pour "la diplomatie française".
"Avant", continue Youssouf Moussa, "les sportifs mahorais étaient avec
la Réunion, donc si ça n'avait été que du sport, ça n'aurait pas été un
problème, ils seraient restés avec les Réunionnais. Mais nous sommes là
dans la politique". Selon le vieux militant, "c'est une première étape
pour la reconnaissance de l'entité mahoraise" qui en amènera d'autres.
Un sentiment partagé par une grande partie de la classe politique... Le
Congrès national pour l'alternative (CNA), basé à Moroni, estime ainsi
que le président vient "d'apporter le coup de grâce à la question de
l'Ile comorienne de Mayotte, en autorisant les jeunes de cette île
soeur, à participer en tant "qu'entité" aux prochains jeux de l'océan
Indien. Le cadre de dialogue mis en place par le Gouvernement de
l'Union, marque une véritable démission dans la revendication de
l'intégration de Mayotte dans le giron national. Trahison ou Realpolitik
?", interroge un communiqué de ce mouvement, qui "appelle les
fédérations sportives comoriennes ainsi que tous les athlètes, à faire
preuve de patriotisme en s'abstenant de participer aux prochains jeux de
l'océan Indien". Il lance aussi "un vibrant appel aux pays amis et
voisins de l'océan Indien d'empêcher le sacrifice de la quatrième île
comorienne".
SAMEDI, À L'ASSEMBLÉE, ALORS QUE LES ÉLUS VENAIENT DE
VOTER une résolution faisant du 12 novembre une journée pour la
réintégration de Maore dans l'ensemble comorien, on ne parlait que de
ça. Au point d'oublier l'autre grand tabou levé par le président : son
incapacité, selon lui, à organiser les élections à Ndzuani. Dans la rue,
sur les ondes, le constat est le même. "La population est choquée,
scandalisée. Beaucoup de gens nous interpellent, nous posent des
questions dans la rue", affirme Nourdine Abdallah, du FD. "Azali a donné
Mayotte à la France sans demander à personne", constate pour sa part
Farid, un jeune homme venu assister à la cérémonie du 12 novembre.
Egalement
présent à cette journée, Rushdy, du quartier Caltex à Moroni, indique
que “les jeunes du quartier n'acceptent pas. On a beau leur dire qu'il
s'agit de sport, mais eux ne voient que le côté politique des choses”.
Abdallah, lui, avoue “avoir été déçu, car même si c'est bien pour les
jeunes sportifs, d'un point de vue diplomatique c'est un échec.” Ce qui
choque les gens, ce n'est pas que les élections puissent ne pas avoir
lieu, c'est que Maore puisse exister en tant qu'entité, même
sportivement. Et pour cause, analyse un observateur de la scène
politique, "cette question est intrinsèque au Comorien. Depuis trente
ans, personne n'a osé reculer. Pour la première fois, un président lâche
du lest". Pour Youssouf Moussa, ce tollé populaire s'explique par le
fait que "la participation de Mayotte aux Jeux est un sujet récurrent.
C'est une épine présente en chacun des Comoriens.
C'est un problème
qui touche tout le monde, ce d'autant plus que les derniers événements à
Mayotte ont braqué tous les regards vers cette île", et ont ramené le
peuple comorien à la dure réalité : Maore est chaque jour plus proche de
la France que la veille. "Or c'est une question vitale. Plus de 80% de
la population mahoraise a de la famille dans les autres îles. Moi, je
suis de père mahorais et de mère anjouanaise."
Mais ce qui inquiète
encore plus la rue, c'est qu'elle ne comprend pas pourquoi Azali a lâché
du lest. Pourquoi ? et surtout pourquoi aujourd'hui, à 6 mois de la fin
de son mandat ? M.Kamardine, en parlant de succès diplomatique, a
esquissé le début d'une explication.
Christian Job renchérit : "Cela
marque la reprise des relations franco-comoriennes qui ont commencé
avec la rencontre entre le président Azali et le président Chirac en
février 2005, et qui se sont poursuivies avec les conclusions de la
commission mixte franco-comorienne, en mars." "Pour matérialiser cette
évolution", continue M. Job, "la France a proposé aux autorités
comoriennes l'organisation d'une coupe de la concorde inter-îles en 2006
qui rassemblerait les quatre clubs champions des quatre îles".
Autrement dit, la coopération sportive, depuis longtemps au point mort,
pourrait reprendre rapidement entre Maore et ses soeurs.
LES OBSERVATEURS RESTENT TOUTEFOIS PERPLEXES.
Pour
eux, ce donnant-donnant n'explique pas la "trahison" -un terme du FD-
d'Azali. Selon Youssouf Moussa, cela va bien plus loin. "Le gouvernement
a démissionné sur cette question", déclarait-il samedi. "Déjà, lors de
la Commission mixte franco-comorienne de mars 2005, Azali avait lâché.
Puis lors de la dernière Assemblée générale de l'ONU, il n'a pas réclamé
le retour de Mayotte dans le giron comorien, alors que c'était le cas
depuis trente ans, sous prétexte qu'il y aurait bientôt un règlement de
la solution, alors que la France durcit sa position !" Conclusion du
militant : "Il se murmure, ici et là, qu'Azali lâcherait Mayotte en
échange d'un soutien de la France pour qu'il reste au pouvoir après
2006." Une hypothèse qui convainc nombre d'opposants (lire p.10), qui
ont toutefois tendance à oublier la déclaration du même Azali en février
dernier : “Celui qui bradera Mayotte n'est pas encore né.”
SELON
UN JOURNALISTE QUI SUIT LA POLITIQUE DEPUIS des années, cette hypothèse
n'a d'ailleurs aucun sens. "Je ne pense pas qu'Azali fasse ça pour
rester au pouvoir. Mais je ne pense pas non plus qu'il accepte de lâcher
Mayotte. C'est juste une manière d'améliorer les rapports avec la
France. Une sorte de clin d'oeil à la France. Pourquoi si tard ? Je ne
sais pas... Après tout, ce n'est que du sport", finit-il. Un sport qui,
dans le passé, a su rassembler les peuples au-delà des conflits entre
Etats - on se souvient d'un match de foot USA-Iran dans les années 90.
Mais qui a également été le vecteur de messages politiques. En 1980, les
Etats-Unis boycottaient les JO de Moscou en raison de la guerre de
l'URSS en Afghanistan. Auparavant, les athlètes noirs américains avaient
défendu leur cause sur les podiums (des stades).
Source : Kashkazi 16 du jeudi 17 novembre 2005
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