vendredi 30 mai 2014

Moroni.- IIe édition du FACC (Festival des Arts Contemporains des Comores)

festival
La deuxième édition du Festival des Arts Contemporains des Comores a débuté hier à Moroni. La cérémonie a été l’occasion pour parler de réunion, communion, âme, culture, génie. L’espace de quelques jours, ce festival sera le point d’union entre les Comores et le reste du monde. Venus de différents horizons, près de 80 artistes ont fait le déplacement. Certains viennent seulement de découvrir l’archipel, d’autres, qui n’en sont pas à leur premier voyage, en sont tout simplement tombés amoureux. Et pour paraphraser le journaliste Kamel-Eddine Saindou, «le monde est ici chez lui».

Ainsi, c’est un Denis Balthazar, cheville ouvrière de ce festival ému aux larmes, qui a tenu à remercier tous les festivaliers, remercié les artistes qui ont accepté de partager ce moment culturel.

Le maire de Moroni a ensuite pris la parole et tenu lui aussi à remercier «les artistes venant d’horizons divers pour faire rayonner les Comores».
Sakina M’sa, marraine de cette édition, a été invitée à monter sur scène et a, à son tour, invité Djibril Tamsir Niane, historien de renom, mais aussi Alphadi, célèbre créateur nigérien, et Fatima Ousseni, autre cheville ouvrière de ce grand événement.

L’historien a manifesté son plaisir d’être présent (il était là pour la première édition) et n’a pas manqué de saluer «l’action patiente et salutaire de Fatima Ousseni». Et de célébrer la culture: «la culture rapproche les hommes dans la paix. La créativité, la qualité essentielle de l’homme». Tout au long de son allocution, l’art et la culture revenaient sans cesse. «que l’art et la culture soient au centre de nos actions». Et cette deuxième édition, «c’est le rassemblement des amants de la danse, du cinéma, de la photo».

Puis est venu le tour de la marraine de ce festival. Une marraine qui a souhaité «parler aux âmes», parce que «artiste». Très pétillante, démonstrative avec un brin d’humour, la jeune femme n’a pas manqué de souligner «sa chance d’être née aux Comores et d’avoir eu des parents extraordinaires». Ajoutant que «mon coeur bat avec vous et chaque fois que je parle, c’est au nom de mon pays», sous une salve d’applaudissements. Et de rendre un hommage appuyé à la jeunesse arguant que «c’est à elle de nous montrer le chemin». S’adressant à Fatima Ousseni, Sakina M’sa dit: «tu es la femme de l’ombre qui fait la lumière», ici encore applaudissements nourris.

Le langage de l’âme est essentiel. Apprenons à l’écouter. L’amour a aussi une grande place dans ce festival. Alphadi a encore une fois déclamé le sien à l’endroit de notre pays. Fatima, souriante, a remercié tous ceux qui participent à cet événement. Enfin, le ministre Abdoulkarim Mohamed, parlant de la culture, a dit qu’«elle est un ciment de l’unité nationale».

Faïza Soulé Youssouf.
Al Watwan du 30/05/2014.

vendredi 23 mai 2014

IMANY au cinéma



La chanteuse franco-comorienne Imany Mladjao rejoint le casting des films. C’est avec Audrey Dana que l’artiste signe son premier long-métrage.


La chanteuse soul folk Imany rejoint le casting du film. « Sous les jupes des filles », un long métrage d’Audrey Dana. L’artiste signe la B.O. du premier long-métrage d’Audrey Dana qui sort au mois de juin. Vanessa Paradis, Laetitia Casta, Isabelle Adjani... et bien d’autres ont dit oui à Audrey Dana qui a finalisé son premier long-métrage, « Sous les jupes des filles » (sortie en salles prévue pour le 4 juin).
Imany fait aussi partie de cette aventure, mais hors caméra. L’ex-mannequin, devenue chanteuse il y a quelques années, a composé et produit la bande-son du film. La jeune femme s’est appuyée sur le parcours des nombreux personnages féminins de ce film choral pour livrer une série de chansons censées les capter.
Des portraits en musique, qu’elle a elle-même écrits et produits et dont elle a confié l’interprétation à quatre jeunes artistes (Axelle Rousseau, Emilie Gassin, Natalia Doco, Sherika Sherard) pour lesquelles elle a eu un coup de cœur artistique. Une de ses nouvelles chansons s’appelle notamment "The Good, The Bad and The Crazy". Et avant de pouvoir profiter de la bande-originale intégrale (dès sa sortie le 26 mai), quelques notes d’Imany sont à écouter dans le trailer du film. 


MY

mercredi 14 mai 2014

Lettre ouverte d'Ahmed Ali Amir au Président de l'Union, sur la presse.



COMORES : Lettre ouverte à son Excellence Monsieur le Président de la République,
Jamais, de ma carrière de journaliste, je n'ai utilisé ce mode de communication pour adresser un message au premier magistrat du pays. Si j'en use aujourd'hui, c'est parce que mes nombreuses tentatives pour vous rendre une visite de courtoisie sont restées infructueuses et ma demande d'entrevue pour vous présenter les résultats de l'enquête de l'agence Thomson Reuters sur la situation des femmes dans les Etats membres de la Ligue Arabe n'a pas non plus obtenu gain de cause.

A travers cette lettre, je voudrais vous entretenir sur un sujet délicat : la crise de la presse comorienne. D'abord pour partager mes diagnostics, ensuite pour parler des responsabilités et enfin proposer des pistes de solution, dans l'espoir que vous y apporterez tout votre soutien.

Excellence M. le Président,

La presse comorienne est doublement en crise. Une crise éditoriale qui ne cesse de s'aggraver et une crise financière qui n'est pas près de voir le bout du tunnel. Cette crise se caractérise par la pauvreté éditoriale qui n'honore pas le pays et la médiocrité de l'écriture journalistique qui décrédibilise le métier.

Les journalistes se sont englués dans un doute collectif, une sorte de crise de conscience, parce qu'ils savent qu'ils s'écartent des principes de l'éthique journalistique et des règles déontologiques de l'exercice du métier. Les journaux, la presse audiovisuelle, en quête permanente de financement pour supporter les coûts exorbitants de production, se sont transformés en simples interfaces de communication des institutions nationales et du Système des Nations-unies. Certains organes, radios pour la plupart, ont choisi de jouer les relais de la propagande, et des hauts responsables en font leurs choux gras. Et on assiste impuissant à une désaffection des plus belles plumes de la presse nationale.

Il est donc devenu coutumier de ne croiser les journalistes que dans les salles de conférence des hôtels, dépêchés pour couvrir les ateliers et les séminaires. Ils sont, par contre, totalement absents dans les zones où vit la population, absents dans les secteurs d'intenses activités sociales ou économiques pour parler des secteurs en difficultés ou en crise, des contraintes, ou des espoirs et des perspectives.

Or notre rôle, permettez-moi de le rappeler, est de rechercher l'information, la trier, la traiter, pour la rendre signifiante, assimilable et attrayante. Notre mission principale est de permettre surtout à nos concitoyens de comprendre le monde qui l'entoure pour pourvoir agir avec intelligence et être capable d'influer sur le cours des événements.

Dans le traitement de l'information, nous n'avons ni amis, ni ennemis. Nous avons un devoir d'objectivité et de neutralité. On distingue les professionnels par la pertinence des propos, l'éclairage qu'ils portent sur les événements, la profondeur de « la valeur ajoutée » de l'information.

L'information est un élément de pouvoir. Nous en sommes les premiers conscients. Elle permet de préparer et d'orienter les actions des citoyens. Mais mal conduite, mal restituée, elle provoque « un enchainement de jugements » erronés, susceptibles de créer des réactions détournées, des tensions inutiles, parfois disproportionnées. Les pressions commerciales sont si énormes que les journaux perdent leur âme.

Résultat ? L'injustice s'installe, les abus se multiplient, les dysfonctionnements de l'Etat restent en l'état, les services sociaux continuent à se dégrader, les relations humaines et la qualité de la vie se détériorent, le débat politique se situe au ras des pâquerettes et la presse continue d'évoluer en marge de la société.

Faire de la communication par le biais de la presse d'information générale est devenue une pratique abusivement exploitée par les détenteurs du pouvoir. « L'information » véhiculée n'est pas juste, n'est pas vraie, n'est pas complète car elle est fondée sur la manipulation.

La presse n'est appréciée en haut lieu que si elle présente des gros titres flatteurs, des grands portraits à la « Une » des hauts responsables. Le ministère des Finances a auguré deux pages de communication chaque mercredi, financé par l'argent du contribuable. Des papiers redondants, des informations redoublées et colorées, subtilement et dangereusement confondues avec les pages d'information.

Le financement de ces pages de publicité entretient une autocensure regrettable, parce que la presse d'Etat qui bénéficie de ces retombées financières ne disserte plus en retour sur les dysfonctionnements de ce ministère.

La loi comorienne et la Charte des journalistes définissent, pourtant clairement la limite de l'exerce de nos libertés, en protégeant « le respect de la dignité humaine », « la liberté et de la propriété d'autrui », et « le caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion. » La loi et la Charte encouragent la presse à « provoquer par l'information, le débat et l'échange des idées indispensables au bon fonctionnement des institutions démocratiques », favorisant ainsi « la participation des Comores au dialogue universel et culturel par la diffusion à l'étranger des valeurs culturelles comoriennes sous toutes ses formes. »

En lisant la presse le matin, on constate que nous sommes trop éloignés des préoccupations que la loi et la Charte des droits et des devoirs nous confèrent et des missions qu'elles nous assignent.

Rien qu'en parcourant la liste des plaintes déposées par la commission anti-corruption, en s'imprégnant de la nature et de l'ampleur des affaires de détournement et de malversation, on se rend compte que la presse ne joue pas son rôle, parce qu'elle n'est pas, comme sous d'autres cieux, à la pointe de ce combat, mais plutôt à la traîne.

Nous avons la chance d'avoir une diaspora qui aime son pays et qui apporte une contribution de près de 179% du budget de l'Etat. L'information qu'elle reçoit est médiocre et le regard qu'elle porte sur la liberté est des plus sévères. Par d'autres biais de communication, elle reçoit l'écho des hommes et des femmes, des associations qui travaillent admirablement, comme lui parvient aussi l'écho des gâchis en matière de gestion politique et financière et de respect des droits humains.

Al-Watwan se fait un devoir d'honorer les femmes et les hommes, de l'intérieur comme de la diaspora, qui se sont distingués durant l'année écoulée, par le talent, le courage, l'initiative, l'intelligence, le patriotisme. Parce qu'au-delà de la critique, la presse reconnait le mérite.

Excellence M. le Président,

Les derniers rapports des experts révèlent que la pauvreté s'est aggravée en dix ans, malgré les programmes mis en œuvre; les objectifs du millénaire s'éloignent malgré les milliards engloutis. Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond quand nous lisons à « longueur d'années», des bilans globalement positifs présentés par la presse.

Il est temps d'interpeller nos consciences. Parce qu'une presse qui cache ou qui n'ose pas enfonce son pays dans la gadoue au lieu de l'aider à se relever et à avancer.

Le vicieux débat entre une presse gouvernementale qui doit rester sur commande et une presse indépendante qui peut demeurer libre démontre que ceux qui le colportent ignorent que la loi portant code de l'information ne reconnait pas de dualité de l'information. Mieux encore, l'Etat n'accorde ses subventions que pour assurer le plein exercice de la liberté de la presse et pour empêcher au contraire les groupements privés de prendre le contrôle total.

La presse comorienne ne dispose pas de moyens de mener des enquêtes d'investigation, et l'Etat comorien fait tout pour l'en dissuader. Pendant que dans certains pays comme les Etats-Unis, des fonds sont mis en place pour encourager les enquêtes d'investigation, ici, on brandit les menaces de retrait des publicités, de censure brutale, comme ce fut le cas du Magazine d'Al-Watwan, retiré des kiosques, parce que la rédaction a ''commis le péché'' d'enquêter sur l'état chaotique des finances publiques, la gestion malsaine de la citoyenneté économique, la corruption dans les appels d'offres publics...

Il est temps d'accorder un temps de réflexion à la presse, pour déterminer « Quelle Presse Voulons-nous Dans Ce pays ? ». Les professionnels, les citoyens, l'Etat, les partis politiques, les syndicats, les associations, les annonceurs doivent se pencher sérieusement pour donner à la presse les moyens et les capacités de jouer son rôle.

Il faut d'abord passer par l'institutionnalisation des formations permanentes pour répondre aux impératifs des rédactions, améliorer sans cesse la qualité des productions intellectuelles. Il faudra aussi prendre en compte la dimension internationale de la crise de la presse écrite pour accompagner le virage encore balbutiant du numérique. La France finance déjà les formations spécialisées au prestigieux Centre de Formation Professionnelle des Journalistes de Louvre et la Chine est disposée à accueillir des journalistes dans les domaines de la presse écrite et de l'audiovisuel.

Pour ce faire, le gouvernement, garant de la démocratie, doit d'abord adopter un « Plan en Faveur de la Presse. »

Il faut de toute urgence mettre en place une coordination regroupant le Conseil national de la presse et de l'audiovisuel, le ministère et les commissariats de l'information, le ministère de la Culture, l'Université, les organisations professionnelles de la presse, et les services de presse de la présidence, pour préparer des assises nationales.

Des chantiers peuvent d'ores et déjà être lancés. Il s'agit très vite, comme cela se fait de nos jours en France, d'accompagner le virage stratégique du numérique, négocier des réaménagements fiscaux pour abaisser les coûts d'impression, défendre les valeurs et les métiers du journalisme et restaurer la confiance avec les lecteurs, renforcer les fonds propres des entreprises de presse, reconquérir le lectorat au travers de mesures d'encouragement à la lecture pour les jeunes, repenser globalement la gouvernance des « communications publiques » et des subventions pour en faire bénéficier à la presse indépendante.

Il convient de rappeler ici, que les recommandations pertinentes des Etat généraux de la presse écrite n'ont été que très partiellement prises en compte.

Les journalistes avaient proposé de mettre en place une rotative pour imprimer les journaux à un coût moindre, ouvrir un centre de formation professionnelle qui répondra aux demandes de formations adaptées des organes de presse, mettre en place le conseil national de la presse en le dotant des moyens adéquats de fonctionnement, soutenir le transfert au numérique et mieux outiller la presse pour utiliser les réseaux sociaux, favoriser la négociation des conventions collectives pour défendre les droits des journalistes en vue de les sortir de la précarité et enfin légiférer en matière d'accès aux sources et de dépénalisations des délits de presse.

Pour toutes ces questions, je suis convaincu que vous porterez toute l'attention méritée et que vous mobiliserez les ressources nécessaires pour sortir la presse de la crise.

Je vous prie de croire, Excellence Monsieur le président, à l'expression de ma très haute considération.
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Ahmed Ali Amir
Journaliste
ahmedaliamir@yahoo.fr
Tel : 322 63 11

source : ahmedaliamir